Parole d'expert : Stéphanie MAETZ, responsable du service ingénierie de sécurité incendie de CNPP
Quelle est votre mission au sein de CNPP ?

Diplômée de l’ENSMA de Poitiers, j’ai intégré le CNPP en 2007 en tant qu’ingénieur modélisation. Référente sur les missions ICPE/Etudes des dangers, j’occupe depuis mars 2020 le poste de responsable du service Ingénierie de Sécurité Incendie (ISI) du Département Feu et Environnement.
Le service ISI est composé de 8 ingénieurs en sécurité incendie, experts dans différents domaines complémentaires : mécanique des fluides ou des structures, transferts thermiques, simulations numériques. Le service ISI réalise des études spécifiques d’ingénierie sur les thématiques suivantes :
• Dimensionnement des conséquences sur les tiers de phénomènes accidentels (incendie, dispersion toxique de polluants, explosion confinée de gaz ou poussières, UVCE, BLEVE, feu torche, Boilover) dans le cadre de l’élaboration des Dossiers de Demande d’Autorisation d’Exploiter (DDAE) pour les ICPE.
• Désenfumage et évaluation des conditions d’évacuation des occupants ou d’intervention des secours dans les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) avec arrêtés spécifiques (1510, 1511, 2662/2663) ou les Etablissements Recevant du Public (ERP).
• Comportement au feu des structures sous feu réel ou sous contrainte normalisée ISO834. Les modèles utilisés permettent de statuer sur la durée de stabilité et le mode de ruine (en chaîne, risque d’effondrement vers l’extérieur) des structures bâtimentaires (acier/béton/bois/mixte) et aménagements intérieurs (mezzanines simples ou multi-niveaux, racks de stockage, shuttle, transtockeurs).
• Assistance technique à l‘expertise après sinistre par modélisation. En tant qu’outil d’aide à la décision, la simulation permet de tester des hypothèses (mode d’allumage, position du foyer, utilisation d’un accélérant), d’estimer si un paramètre a été prépondérant dans le développement du sinistre ou si le scénario testé est plausible.
• Assistance technique par modélisation 3D sur des problématiques liées à l’incendie (propagation, explosion, dispersion, etc.) et à l’évacuation.
Qu’est-ce que l’ISI ?
L’ISI est une démarche qui consiste à quantifier les effets d’un incendie, dans le but d’évaluer les performances d’une solution de conception, du point de vue d’un objectif de sécurité défini (évacuation des personnes, intervention des secours, stabilité au feu des structures).
Cette démarche performancielle permet d’analyser des solutions alternatives aux prescriptions de la règlementation en tenant compte des dispositions techniques et organisationnelles mises en œuvre.
Ces performances sont évaluées par des modélisations 3D.
Quels types d’entreprises ont recours à l’ISI ? pourquoi ?
Autrefois réservée aux projets d’envergure (principalement des ERP de 1ere catégorie en région parisienne), l’ISI s’applique désormais à des ouvrages plus conventionnels de type bâtiments industriels, ERP de toute catégorie, IGH, habitations et ERT, et ce dans toute la France.
- Dans le cas de projets de constructions, les études d’ingénierie incendie spécifiques en ICPE permettent, notamment, de répondre aux exigences spécifiques de la réglementation en lien avec l’article 7 de l’arrêté du 11 avril 2017 relatif aux bâtiments de grandes dimensions (cellule de surface > 12000 m2 et transstockeur de hauteur > 23 m) ou en lien avec l’article 4 relatif à l’exploitation de mezzanines, qui imposent de justifier en cas de départ de feu, d’une cinématique d’incendie compatible avec l’évacuation du personnel présent.

Modélisation de feu d'entrepôt
- Les études ISI peuvent aussi concerner des bâtiments existants et permettre, en ICPE, d’apporter des éléments techniques pour venir en support d’une demande de dérogation aux prescriptions réglementaires suivant les articles 4 et 5 de l’arrêté du 11 avril 2017 (déficit de désenfumage, hauteur d’écrans de cantonnement, etc.). Dans le cas de projets de réhabilitation, les écarts peuvent être liés à des contraintes techniques, des exigences patrimoniales ou encore un souci d’optimisation économique. L’étude permettra de vérifier si les dispositions existantes sont compatibles avec les objectifs de sécurité et ainsi éviter d’engager des frais conséquents de remise en conformité (cas de présence d’amiante par exemple).
- Dans les études des dangers, les effets de scénarios incendie majorants sont étudiés et des mesures de prévention et de protection doivent être dimensionnées en vue de maitriser les risques. La règlementation Post-Lubrizol renforce l’obligation de réaliser des études de flux thermiques, en particulier pour les installations soumises à déclaration sous la rubrique 1510.

Modélisation d'incendie dans une salle de spectacles
- Les arrêtés du 22 mars 2004 pour les ERP offrent la possibilité d’utiliser des outils de modélisation et d’analyse de la propagation des flammes et des fumées pour évaluer les conditions d’évacuation et d’intervention ainsi que les contraintes sur la structure et leur réponse. Les ERP sont complexes à traiter : la présence de public, la faible hauteur sous-plafond, les atriums et mezzanines imposent une évacuation rapide. L’étude de désenfumage peut être complétée par une étude d’évacuation du public afin d’évaluer l’efficacité de l’évacuation et identifier d’éventuelles optimisations (sans pour autant déroger aux exigences des articles CO concernant les dégagements). Certaines problématiques sont récurrentes et sont traitées efficacement par l’ISI. Nous intervenons régulièrement pour des centres hospitaliers afin d’évaluer la performance de systèmes de désenfumage de circulations présentant des débits inférieurs aux exigences de l’IT 246. Ces établissements concentrent généralement un ensemble de contraintes spécifiques : risques élevés, population nécessitant une attention particulière pour l’évacuation ou le transfert, impératif de continuité de l’activité et contraintes budgétaires.
- Quant aux bâtiments d’habitation et à usages professionnels, la loi ESSOC renforce l’esprit d’ouverture à la recherche de solutions alternatives, substituant une obligation de moyens à une obligation de preuve de résultats équivalents.
Quelles sont les grandes étapes d’une étude d’ISI ?
Le motif de recours à l’ISI et le contexte règlementaire de la demande sont indispensables.
Une analyse sommaire des risques permet d’évaluer le potentiel calorifique du bâtiment et proposer des foyers en adéquation avec l’activité de l’établissement. Ces feux peuvent être :
- réglementaires (dits « feux imposés ») définis en accord avec le guide de bonnes pratiques du Laboratoire Central de la Préfecture de Police,
- tirés de résultats d'essais de comportement au feu de combustibles : ils sont instrumentés dans un code de calcul avec l’ensemble des dispositions techniques concourant à la sécurité de l’établissement. Les scénarios sont établis selon un foyer pénalisant par rapport à l’évacuation ou à la résistance des structures, puis discutés avec les acteurs du projet via un rapport d’étude préliminaire. Dans le cas des ERP, ces scénarios doivent nécessairement faire l’objet d’une validation par les autorités compétentes (SDIS).

Modélisation de feu dans une cage d'escalier
Le rapport d’étude conclusif est ensuite transmis aux autorités consultées qui étudient le respect des objectifs de sécurité pour valider ou rejeter le projet.
Tout au long de cette procédure, les échanges entre l’ensemble des acteurs (MOA, MOE, CT, autorités) sont essentiels.
Nous intervenons à la demande de maîtres d’ouvrage, d’ingénieurs de bureaux d'études ou d’architectes, à la suite de non-conformités identifiées ou sur demande spécifique émanant de prescripteurs tels que les DREAL pour les ICPE, les SDIS, les bureaux de contrôle ainsi que la commission de sécurité pour les ERP. Nous ne nous substituons pas à la maîtrise d'œuvre pour l'établissement de solutions concrètes, mais nous en testons les principes et regardons s’il est possible ou pas de les appliquer à travers une démarche d'ingénierie.
Pourquoi nos clients choisissent-ils CNPP ?
CNPP est reconnu compétent par le ministère de l’Intérieur pour exercer des activités d’ingénierie du désenfumage dans les Établissements Recevant du Public (au titre de l’article DF4 de l’arrêté du 25 juin 1980 modifié, JO du 1er avril 2010).
Nos modélisations avancées représentatives du risque s’appuient sur une base de données expérimentales interne riche de 60 ans d’expérience. Nos moyens d’essais uniques en Europe nous permettent de proposer la réalisation d’essais spécifiques sur demande.