Modélisation ou essai à l'échelle 1 ?

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A la suite d’un sinistre incendie ou afin de valider des hypothèses de scénarios d’incendie et, le cas échéant, de préconiser des mesures préventives. Deux outils peuvent être mis en œuvre : la reconstitution en réalisant des essais à l'échelle 1 ou la modélisation au travers de simulations numériques.
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Recherche de causes et circonstances d’incendie, ingénierie de sécurité incendie, campagne d’expérimentation.

A la suite d’un sinistre incendie, il est essentiel de comprendre et d’expliquer ce qui a pu arriver, surtout dans le cas de sinistres avec victimes. Ceci permettra non seulement de comprendre le phénomène, de déterminer les responsabilités en jeu, mais également de valider l’adéquation des mesures de prévention et les moyens de protection mis en œuvre.
Des campagnes d’essais peuvent aussi être engagées afin de valider des hypothèses de scénarios d’incendie et, le cas échéant, de préconiser des mesures préventives.
Deux outils peuvent être mis en œuvre :
  • la reconstitution : l’essai à l'échelle 1.
  • la modélisation : simulation numérique.

Notons que la modélisation est en particulier utilisée dans le cadre de l’ingénierie de la sécurité incendie et notamment pour l’ingénierie du désenfumage.

Comment déterminer la technique à utiliser, quels critères prendre en compte, quelles applications sont concernées ?

Nous vous proposons ici quelques éléments de réponse.

L’essai à l'échelle 1 :

Dans un contexte de reconstitution de sinistres ou dans le cadre d’une campagne d’expérimentation, l’essai à l'échelle 1 permet de mettre en situation un scénario de feu représentatif de la réalité.

a) Reconstitution de sinistres

Par exemple, il permet de recréer les circonstances d’un incendie : il va permettre l’étude et l’observation des phénomènes de l’ignition, du développement du feu. Des mesures du feu peuvent être réalisées (température, vitesse d’air, débit des fumées, rayonnement thermique…). L’observation des conséquences « physiques » du feu sur les matériaux en présence sont également importantes. L’analyse des eaux d’extinction peut être effectuée pour évaluer les substances toxiques dissoutes ou entrainées par l’eau d’extinction.
L’essai s’approche au plus près des conditions réelles de l’incendie et permet de déterminer le scénario probable susceptible d’expliquer le sinistre.
Ainsi, les experts du laboratoire du feu et de l’environnement ont reconstitué, in situ, le sinistre du tunnel du Mont-Blanc, quelques mois après l’accident.

b) Les campagnes d'expérimentations

A la demande d’industriels, des essais sont réalisés pour valider, par exemple, le comportement au feu d’un équipement, ou pour valider le choix d’un système d’extinction.
A la demande de la Fédération française des assureurs (FFA), des campagnes d’essais sont réalisées pour investiguer les risques incendie associés à des risques émergents ou déterminer les domaines d’application de solutions de protection incendie innovantes.
Ces essais sont réalisés à l’échelle 1 dans des halls d’essais ou en laboratoire, selon les produits et éléments testés.
Là encore, l’essai permet de s’approcher au plus près des conditions du réel et donne une bonne indication de ce qui pourrait advenir dans un contexte d’incendie.

Les limites :

Si le réalisme de l’essai a force de preuve, sa mise en œuvre implique de connaitre les circonstances exactes et de reproduire le sinistre avec les mêmes données : équipements identiques (cela nécessite de connaître le degré d’usure), météo,…
Dès lors, si plusieurs hypothèses sont à valider, l’utilisation d’un outil de simulation numérique a toute sa valeur ajoutée. De plus, son coût est inférieur à celui des essais.
Néanmoins, à ce jour, seul l’essai permet d’évaluer les systèmes d’extinction automatique. Dans ce domaine, la modélisation en est encore au stade du développement et de la recherche.

La modélisation :

La modélisation consiste en une représentation virtuelle dans laquelle on restitue des phénomènes physiques par des modèles numériques.
Les outils de simulation numérique peuvent être exploités non seulement dans le cadre d’une expertise technique après sinistre, mais constituent les fondamentaux de :
  • l'ingénierie de la sécurité incendie,
  • l'ingénierie du désenfumage en particulier appliquée aux projets ou à l'existant, aux bâtiments industriels ou aux établissements recevant du public,
  • l'évaluation du comportement au feu d’un bâtiment,

Elle permet une approche quantitative et donc plus performante de l'atteinte des objectifs de sécurité fixés. L’avantage de pouvoir comparer plusieurs hypothèses en modélisant une multitude de scénarios, associé à des coûts moindres, fait de cet outil une solution de plus en plus employée afin de d'évaluer et d'optimiser les solutions mieux adaptées à la lutte contre l’incendie.

Quelques exemples d’application :

a) Ingénierie de reconstitution

Appliquée à l’expertise après sinistre, la modélisation peut aussi constituer un outil pédagogique permettant de sensibiliser les exploitants aux risques propres à leur activité industrielle.

b) Ingénierie de la sécurité incendie

Elle permet l’optimisation de la mise en sécurité dans les contextes réglementaires particuliers (ERP/ ERT / Habitation, ICPE, INB, …).

c) Ingénierie de désenfumage

  • évaluer les performances du système de désenfumage en phase de dimensionnement,
  • évaluer les moyens en place sur un bâtiment existant,
  • optimiser les systèmes en phase de rénovation.
La modélisation des mouvements de fumées bénéficie d’une précision relativement bonne sous réserve que l’évolution de la puissance du feu soit connue. Ainsi, il pourra être possible de déterminer le délai pendant lequel les conditions sont viables pour les personnes en cas d’évacuation.
Mais, il faut garder à l’esprit qu’une certaine pertinence des données d’entrée et des hypothèses de départ est nécessaire pour estimer la validité d’une simulation.
Elle est particulièrement utilisée pour des projets d’établissements recevant du public « hors normes » comme les gares, les salles de spectacles, des restitutions de grottes préhistoriques.
La modélisation a toute sa place dans le cadre de l'ingénierie de désenfumage, d'évacuation ou pour évaluer le comportement au feu des structures

Les limites

Si les données d’entrée ne sont pas connues ou discutables en ingénierie de reconstitution (contradiction de témoignages, destruction totale des éléments, données incomplètes,…), la plus grande prudence sera de mise dans l’interprétation des résultats.
Si l’essai à l'échelle 1 a une valeur de preuve, la modélisation n’en demeure pas moins une aide précieuse pour la compréhension des phénomènes thermiques et pour établir des faits.
Dès lors, le couplage modélisation / essais devient un atout.

Le couplage modélisation et essais :

Prenons l’exemple d’un feu dans une chambre d’hôtel par exemple. Après avoir fait des constats sur le lieu du sinistre, il est aisé de recréer une chambre à l’échelle 1 et d’y mettre le feu. Cela permet de valider le temps d’embrasement des matériaux, de confirmer la montée en température de la pièce, de vérifier le délai de détection et d’apporter des éléments de réponse sur la cause possible de l’incendie ou l’impossibilité d’évacuation.
Mais pour aller plus loin, la modélisation permettra par exemple de modéliser le mouvement des fumées sous différents scénarios et de préconiser des actions correctives sans que les coûts liés aux essais se multiplient. La modélisation permettra de faire des préconisations sur l’impact d’un système de désenfumage pour faciliter l’évacuation par exemple.
De façon plus globale, le couplage modélisation / essais à l'échelle 1 permet d’établir des modèles d’incendie plus fiables : l’essai va permettre de caractériser la température d’inflammation d’un matériau soumis à un flux thermique et son taux de pyrolyse par perte de masse. Ces données intégrées dans le modèle vont conduire à une simulation numérique plus réaliste.
  
  

Conclusion :

L’essai à l'échelle 1 a force de preuve dans la reconstitution de sinistres ou dans le cadre d’une campagne d’essais spécifiques.
L’essai est l’outil adapté si l’on cherche à définir la cause d’un incendie et comprendre les conditions d’ignition des matériaux. Mais il n’est pas reproductible à l’infini en raison des coûts générés.
Pour pallier cela, l’outil de modélisation offre des possibilités multiples de scénarios dont le champ d’action va au-delà de l’expertise après sinistre. Il  a toute sa place dans le cadre de l’ingénierie de désenfumage, d’évacuation, ou pour valider le comportement au feu des structures. L’essai montrera par exemple comment le feu se développe et la modélisation fournira des informations sur la chronologie et les scénarios alternatifs.
Mais pour obtenir un outil de simulation numérique fiable et au plus proche de la réalité, il convient d’implémenter les données issues des essais réels dans un modèle.
S’ils répondent à des objectifs initiaux différents, ces deux outils sont complémentaires pour des applications variées.