Détection incendie par vidéo : CNPP participe à la définition de performance des systèmes

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Si le déploiement des systèmes de détection incendie “classique” est bien encadré par la réglementation et les normes, les systèmes de détection incendie par vidéo ne rentrent pas aujourd’hui dans le cadre des certifications qui permettent de s’assurer de leurs performances et de leur fiabilité. Régulièrement sollicité ces dernières années sur ces technologies CNPP a acquis des connaissances et une maturité qui lui ont permis de définir des cahiers des charges techniques pour évaluer les performances de ce type de solution et de rédiger des recommandations pour la réalisation d’installations cohérentes.
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Des solutions de détection incendie basées sur les images de caméras sont de plus en plus souvent évoquées pour réaliser une détection à l’extérieur (sites de stockage, déchetteries) ou dans des volumes importants (hangar de grande hauteur, etc..).

Les technologies : leur fonctionnement et leurs limites

Deux principales technologies sont utilisées pour la détection d’incendie par vidéo. Ces deux technologies permettent la détection de différents phénomènes caractéristiques à l’incendie :
 

  • les systèmes de détection de fumées et/ou de flammes, basés sur des caméras « classiques » (spectre visible) ;
  • les systèmes de détection de chaleur, basés sur l’imagerie thermique (spectre infrarouge).

Les systèmes de détection de fumées et/ou de flammes par analyse d’image

Ces systèmes utilisent les images fournies par des caméras de vidéosurveillance. Ce sont des algorithmes développés spécifiquement, qui permettent d’identifier dans l’image des phénomènes prédéterminés. Ces algorithmes peuvent être intégrés aux caméras ou travailler sur les données issues des caméras à distance, par exemple sur un serveur dédié à l’exploitation de l’installation.
Les algorithmes réalisent le plus souvent une analyse pixel par pixel, par groupe de pixels, et par comparaison entre images successives, permettant l’identification de phénomènes caractéristiques des fumées et/ou des flammes : couleurs et contrastes, mais aussi déplacements caractéristiques (déplacements verticaux et oscillations des fumées ou des flammes, par exemple) vont pouvoir être reconnus dans les flux d’images fournis par les caméras.
La performance constatée de ces algorithmes est bonne, voire excellente, pour ce qui est de la détection. Le cumul de scénarios, d’expériences, rendu possible par l’intelligence artificielle ne va faire qu’améliorer encore cette efficacité. On peut ainsi penser que l’usage de ce type de système peut être particulièrement pertinent pour des locaux de grande hauteur, dans lesquels la détection incendie classique est limitée.
La principale limite à la performance intrinsèque de ce type de système réside dans la qualité des images analysées. La performance du capteur (caméra) va en effet jouer un rôle prépondérant, notamment pour ce qui est de sa capacité à s’adapter à des différences d’éclairage potentielles.
Par ailleurs, le positionnement de la caméra lors de l’installation joue un rôle fondamental dans la performance du système. En effet, les phénomènes « reconnus » par les algorithmes ne se présentent pas de la même manière selon l’angle de vue de la caméra. De même, un positionnement trop lointain des caméras empêchera une résolution du phénomène suffisante à la détection. De ce fait, l’utilisation d’un réseau de caméra de vidéosurveillance existant doit donc être exclu.
 

Les systèmes de détection de chaleur par thermographie infrarouge

Ces systèmes se basent sur l’imagerie thermique. Les caméras thermiques utilisées fonctionnent dans le spectre des longues ondes (LW) de l’infrarouge (8 à 12µm). Les détecteurs utilisés sont capables de mesurer la luminance (puissance des rayonnements) en provenance des objets observés, et de créer une image (appelée thermogramme) permettant d’identifier les niveaux de luminance d’une scène thermique observée.
La luminance mesurée est convertie dans le calculateur de la caméra thermique en température grâce à sa courbe d’étalonnage, qui sert de base pour la correspondance luminance / température pour des corps noirs (émissivité égale à 1).
Les systèmes de détection de chaleur par analyse d’image se basent sur des caméras thermiques fixes, et proposent à leurs utilisateurs de définir des zones (tout ou partie de l’image) dans lesquelles une condition d’alarme sera générée lors du dépassement d’une température « seuil ».
Ces systèmes ont une capacité forte à détecter un point chaud dans le champ de vision de la caméra. Si la source de chaleur est visée directement, une alarme sera générée avec une grande précocité. Mais si la source de chaleur est cachée ou enfouie, alors la détection par thermographie infrarouge sera inopérante.
Contrairement aux systèmes de détection de fumées et/ou de flammes, les systèmes de détection de chaleur ne nécessitent aucun éclairage, car ce sont les rayonnements émis naturellement par les objets qui sont mesurés.
Mais tous les objets ne sont pas capables d’émettre la même quantité de rayonnement à température égale. Une des difficultés au paramétrage résidera dans le fait que les seuils de température à définir pour les alarmes sont nécessairement différents (plus bas) que les températures « réelles ». On parle de température « apparentes ». En particulier, l’air n’a pas d’émissivité dans l’infrarouge lointain et on ne pourra détecter de l’air chaud.
Par ailleurs, de nombreux phénomènes risquent de déclencher de fausses alarmes, et notamment les phénomènes de réflexion, par exemple sur les métaux, qui réfléchissent très fortement les rayonnements en provenance de leur environnement radiatif. Les rayonnements solaires, qui correspondent à des températures dépassant largement les seuils de détection pratiqués, sont tout particulièrement générateurs de fausses alarmes pour des observations à l’extérieur en journée.
L’exclusion du champ (soit par la position de la caméra, soit par l’utilisation de masques sur l’image) des objets potentiellement générateurs de fausses alarmes est donc une des problématiques d’installation les plus importantes.

Quelles sont les garanties de performance et de fiabilité apportées par ce type de solution ?

La question se pose, car si le déploiement des systèmes de détection incendie “classique” est bien encadré par la réglementation, ces systèmes de détection incendie par vidéo ne rentrent pas aujourd’hui dans le cadre des certifications de produits et de services qui permettent de s’assurer des performances ainsi que de la fiabilité de la détection.
CNPP a été régulièrement sollicité ces dernières années sur ces technologies et a acquis des connaissances et une maturité qui lui ont permis :
 

  • de définir des cahiers des charges techniques pour évaluer les performances de ce type de solution,
  • d’envisager la rédaction de recommandations pour la réalisation d’installations cohérentes avec les impératifs liés à la prévention du risque incendie.

Définition d’un cadre pour la détection vidéo

Malgré des performances potentiellement bonnes, l’usage de ces fonctions de détection doit être encadré. Le déploiement ne sera en effet efficace que si les produits disposent de capacités minimales (compatibilité avec les systèmes de mise en sécurité incendie, fiabilité, capacité à l’imagerie, etc..), permettant d’adapter leur performance « brute » de détection aux situations rencontrées. Ces performances doivent faire l’objet d’une évaluation technique.
Les installations doivent quant à elles être réalisées suivant des règles définies spécifiquement : en effet, certains fabricants laissent entendre que n’importe quelle caméra pourra demain assurer la fonction de détection incendie. C’est sans tenir compte de l’incompatibilité des installations existantes de vidéosurveillance avec les contraintes d’efficacité propres à la détection incendie. Selon CNPP, les installations devront être réalisées par des professionnels de la détection incendie, formées aux spécificités techniques des produits de détection incendie par analyse vidéo.

Les spécifications techniques CNPP

CNPP a rédigé deux « spécifications techniques » pour l’évaluation des systèmes de détection par vidéo :
 

  • Référentiel pour l’évaluation des systèmes de détection de fumées et/ou de flammes par analyse d’image (ST CNPP LPMES DEC 18 005-A)
  • Référentiel pour l’évaluation des systèmes de détection de chaleur par caméra thermique (ST CNPP LPMES DEC 19 005) 


Pour être conforme à ces spécifications techniques, les systèmes de détection vidéo doivent satisfaire un ensemble d’exigences de :
 

  • performance,
  • conception pour la fiabilité du système,
  • résistance aux conditions d’environnement.


En début d'année 2019, CNPP Cert. a remis  le premier certificat CNPP Certified pour le système de détection de fumées par analyse d’image à la société ARAANI en Belgique pour le produit SMOKECATCHER.
En 2020, la société Hikvision a reçu le premier certificat CNPP Certified pour des systèmes de détection de chaleur par caméra thermique.
CNPP, en lien avec les parties prenantes concernées, a publié une nouvelle version de la règle APSAD R7 incluant en annexe un guide méthodologique spécifique à ces installations de détection incendie par vidéo. Il traite de l’analyse de risque incendie, de la réalisation, de la réception et de la maintenance des installations
  
Ronan Jezequel
Directeur Prospective Innovation Veille CNPP 
Jean François Richard
Ingénieur certification CNPP

Extrait du Guide Pixel 2020 publié par AN2V