Délégation de pouvoirs en matière de sécurité, mode d’emploi

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La mise en place de la délégation de pouvoir doit faire l’objet d’une analyse minutieuse de la situation de l’entreprise et des risques en présence, d’une concertation entre les parties concernées et d’une diffusion auprès de l’ensemble des salariés.
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Véritable outil de gestion du risque « responsabilité pénale » pesant sur le chef d’entreprise, la délégation de pouvoirs appliquée au domaine de la santé et de la sécurité au travail ne s’improvise pas. Sa mise en place doit faire l’objet d’une analyse minutieuse de la situation de l’entreprise et des risques en présence, d’une concertation entre les parties concernées et d’une diffusion auprès de l’ensemble des salariés.

En quoi consiste une délégation de pouvoirs ?

Destinée à assurer la protection du chef d’entreprise contre le risque de mise en cause de sa responsabilité pénale, la délégation de pouvoirs consiste, pour un responsable hiérarchique (le délégant), à transférer une partie de ses pouvoirs et la responsabilité pénale qui y est associée à un subordonné (le délégataire).
C’est donc un véritable acte juridique qui engage la personne du délégant et surtout celle du délégataire, qui se voit directement investi des pouvoirs qui lui sont transférés et engage sa responsabilité en cas de manquement à une obligation réglementaire pénalement sanctionnée.
Cette notion ne résulte initialement pas d’un texte réglementaire mais d’une jurisprudence plus que centenaire de la Cour de cassation, rendue dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité des travailleurs
La délégation de pouvoir a ensuite été consacrée à l’article L.4741-1 du Code du travail, qui définit les responsabilités pénales de l’employeur « ou son délégataire » en cas de manquement aux règles de santé et de sécurité fixées par le code.
Largement utilisée aujourd’hui en tant que stratégie d’optimisation de l’organisation des entreprises, la délégation de pouvoirs est pourtant parfois confondue avec la délégation de signature, dans laquelle le délégataire reçoit uniquement le pouvoir de signer un document au nom et pour le compte du délégant. Le délégant n’est pas dessaisi de son pouvoir de décision et conserve sa responsabilité pénale.
Attention également à ne pas mélanger délégation de pouvoirs et mandat : dans cet acte régi par les articles 1984 et suivants du Code civil, le mandataire reçoit « le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom », ce dernier n’étant là encore pas dessaisi de ses pouvoirs ni de son éventuelle responsabilité.

Quels sont les critères à respecter pour s’assurer de la validité d’une délégation de pouvoirs ?

Un employeur peu scrupuleux pourrait être tenté d’utiliser le système de la délégation de pouvoirs pour se décharger facilement de toute responsabilité. Consciente de ce risque, la jurisprudence a fixé des conditions à la reconnaissance de sa validité :
 

  •  Pour mettre en place une telle délégation, le chef d’entreprise doit diriger une société de grande dimension, qui atteint une certaine complexité dans sa structure.Dans les cas où l’entreprise sera de taille trop modeste, les juges vont considérer que le chef d’entreprise pouvait avoir une connaissance immédiate des infractions à la réglementation en matière de sécurité et user facilement de son pouvoir de direction pour régler les non-conformités, ce qui invaliderait toute délégation de pouvoirs.
  • Une autre condition fixée par la jurisprudence tient au caractère précis et limité de la délégation : le délégant a l’interdiction de transférer l’ensemble de ses pouvoirs et notamment ceux tenant à l’administration générale de l’entreprise.
  • De même, il ne peut consentir plusieurs délégations de pouvoirs ayant le même objet à des délégataires différents.
  • Le délégataire doit être à même de mesurer précisément ce à quoi il s’engage, il importe donc que le champ d’application de la délégation lui soit clairement exposé. Ainsi, dans le domaine de la sécurité, l’acte de délégation décrira les obligations réglementaires mises à la charge du délégataire (ex : respect des conditions d’hygiène et de sécurité sur les lieux de travail, mise en place des mesures de protection collective et individuelle des travailleurs…).
  • D’autres critères de validité tiennent également à la personne choisie pour exercer la fonction de délégataire. Une jurisprudence constante exige que celle-ci soit dotée de trois qualités : l’autorité, les moyens et la compétence pour exercer les pouvoirs transférés.
  • En outre, la délégation doit être acceptée sans ambiguïté par le délégataire. À cet effet, même si l’établissement d’un écrit n’a jamais été reconnu en jurisprudence comme une condition obligatoire, celle-ci jugeant au cas par cas que la délégation pouvant parfois être orale. Il n’en reste pas moins que la rédaction d’un écrit constitue une précaution essentielle dans la perspective de la preuve de la délégation.
  • Enfin, même si cela relève de l’évidence, il convient de rappeler que l’acte de délégation doit être antérieur à la commission des faits constituant l’infraction.


Morgane Darmon, CNPP,  service  Assistance réglementaire
Extrait de Face au Risque N°546, Octobre 2018 – www.faceaurisque.com , Abonnez-vous à Face au Risque