Rapport ERP IGH : 3 ans après sa parution, quels impacts pour les MOA et les exploitants?

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Les ministères de l’intérieur, du logement et du travail avaient mandaté l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’administration (IGA) afin d’évaluer la politique de prévention du risque incendie dans les ERP et IGH.
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Les ministères de l’intérieur, du logement et du travail avaient mandaté l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’administration (IGA) afin d’évaluer la politique de prévention du risque incendie dans les ERP et IGH.

Le cahier des charges incluait les objectifs suivants :
 

  • conserver le niveau de sécurité de 2014,
  • mettre en cohérence les différentes réglementations incendie,
  • simplifier voir alléger le dispositif local de mise en œuvre,
  • réduire les coûts induits de construction et de gestion des bâtiments concernés.


La réglementation ERP-IGH, qui s’était établie, le plus souvent, en réponse aux incendies mortels, était restée très prescriptrice, détaillée, abondante et cohérente.
Le rapport a prescrit des simplifications, un meilleur pilotage de la politique de prévention ; il a incité à réduire les écarts d’application de la réglementation ERP (cf. chapitre mesures dérogatoires) et milité pour un recours plus fort à l’analyse de risque dans la réglementation.
3 ans après sa parution (en juin 2014), nous vous proposons de faire un état non exhaustif des changements mis en œuvre ; ils sont nombreux et démontrent tout l’intérêt de ce rapport devenu concret dans de multiples applications :

Simplifications souhaitées par le rapport :

  1. Si la commission ne juge pas souhaitable de faire glisser les textes uniquement vers des obligations de résultats ou des objectifs, elle milite pour un exposé préalable, systématique et explicite des objectifs recherchés par la réglementation. 
  2. Le recours aux normes techniques (normes, IT, DTU …) : afin de contrôler l’évolution des normes techniques auxquelles font référence les textes, la commission suggère, après une vérification de la pertinence des renvois aux normes, de préciser la version applicable de la norme.
  3. Pour améliorer la lisibilité des textes, et lutter contre les renvois d’un texte à l’autre, la mission opte pour une présentation logique et sans renvois, comme le nouveau code du travail l’a institué. De plus, elle recommande de distinguer les règles applicables aux maîtres d’ouvrage et celles applicables aux exploitants, de publier les règles applicables pour chaque type d’ERP en fonction de la demande de permis de construire ou de demande d’autorisation d’aménagement.
  4. Concernant l’évacuation différée, la mission note que les espaces d’attente sécurisée (EAS) ne sont qu’une solution parmi d’autres et préconise de réécrire les textes afin d’en faire uniquement l’ultime solution de mise en sécurité des personnes handicapées.
  5. Face à la détermination complexe des réglementations applicables à un bâtiment (en particulier des conditions d’isolement des bâtiments par rapport aux tiers et à l’absence d’un seuil bas unique quel que soit le type d’ERP pour les 4 et 5ème catégories), la mission propose de confier à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) la compétence d’élaborer les 4 réglementations incendie (Code du travail, habitation, ERP et IGH). Cela aurait pour effet d’en réduire les incohérences. Ce point n’a pas à ce jour été suivi d’effet à notre connaissance.
  6. Recours au droit souple : dans les faits, plutôt que de parler de simplification, il convient de parler aujourd’hui de clarification ; la réglementation ERP type M et ERP type PS par exemple ont recouru à un usage plus intensif du droit souple. Celui-ci comprend des règles indicatives, des recommandations ; il s’appuie sur des bonnes pratiques. Le recours au droit souple s’inscrit dans le fameux « choc de simplifications ».  L’intérêt du droit souple réside dans sa lutte contre l’inflation normative s’il est bien utilisé.


Le recours ne se fait plus devant les instructions sur les moyens de secours mais sur des recommandations fondées sur des bonnes pratiques (comme les référentiels APSAD par exemple) ; l’avantage supérieur pour les exploitants mais aussi sa difficulté principale réside dans le fait que le destinataire de la réglementation conserve la faculté de respecter les bonnes pratiques par les moyens qu’il veut. La jurisprudence en matière de sécurité incendie a anticipé cette démarche depuis longtemps en glissant vers une obligation de résultat en matière de sécurité incendie.
3 domaines du droit souple sont privilégiés : le RSE, la gouvernance et l’implication des parties prenantes dans l’élaboration des normes techniques.
Le droit souple doit répondre à 3 critères pour être réellement une opportunité :
 

  • un test d’utilité, c'est-à-dire une fonction de substitution au droit dur,
  • un test d’effectivité, qui doit se traduire par une dynamique d’adhésion et non d’oppositions des différentes parties prenantes,
  • un test de légitimité , c'est-à-dire ne pas avoir d’influence excessive sur la situation de tiers.

Mesures compensatoires :

Les règlements ERP et IGH, du fait de leurs prescriptions très fortes et très nombreuses, s’appuient sur les mesures compensatoires, permettant de déroger à telle ou telle prescription d’application difficile en contrepartie d’un niveau de sécurité jugé équivalent.
La mission indique que la dérogation peut aussi être appliquée différemment selon le préventionniste et devient donc imprévisible.
Un changement majeur serait opéré si le préventionniste est, lui-même, juridiquement associé à la recherche de solutions dérogatoires.
De plus, les articles R123-48 et R123-13 du CCH et l’article GN 10 du règlement ERP permettent à tout préventionniste de demander l’application de la règle qui lui paraît souhaitable. Il en résulte une pratique, pour l’exploitant, imprévisible et illisible.
Pour limiter cela, le rapport invite à clarifier les conditions de fonds et de procédure des prescriptions nouvelles qui peuvent être imposées aux établissements existants (hors les cas où un texte le prévoit expressément).
La note d’information du 21 janvier 2016 sur les modalités d’application des dispositions du §2 de l’article GN 10 traduit ces préoccupations en donnant des instructions en faveur d’une approche commune dans l’application des dispositions du règlement de sécurité, en particulier sur la notion de travaux.

Analyse de risque :

La mission milite pour inscrire l’analyse de risque dans le règlement de sécurité et pour définir une ou plusieurs méthodes afin d’en harmoniser la pratique.
Elle constate aussi l’intérêt de recourir à l’ingénierie de sécurité incendie (ISI). Elle rappelle que l’ISI est utilisée depuis les arrêtés du 22 mars 2004 dans les domaines du désenfumage et de la résistance au feu.
Le rapport prescrit de rendre obligatoire des formations, à l’usage des préventionnistes, relatives à l’analyse de risque et d’inscrire dans les cursus la formation à l’ISI . La mission ajoute à l’analyse de risques, le recours au retour d’expérience et à la RCCI.
Cette recommandation a été, a priori, mise en œuvre ; l’Ensosp dispense désormais des cours à ce sujet aux futurs péventionnistes des SDIS. Par ailleurs, l’Apsighe (association de promotion de la sécurité en IGH et ERP) travaille actuellement sur une méthodologie d’analyse de risques adaptée aux ERP.

Un allègement du contrôle administratif pour les établissements bénéficiant d’avis favorables :

La répartition des avis défavorables prononcés par les commissions de sécurité démontre que les locaux à sommeil (ERP type J.O.U.R) ainsi que les ERP type L (salles de spectacles) et P (salles de danse et de jeux) sont représentés de manière importante par rapport aux autres types d’ERP.
La mission suggère de porter de 2 à 3 ans la périodicité des visites pour les ERP sans locaux à sommeil et d’espacer les visites pour les établissements disposant de 2 avis favorables successifs.
La périodicité des visites des ERP fixée par l’article GN 4 du règlement de sécurité a été modifiée par l’arrêté du 20 octobre 2014 portant modification du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2015, le tableau de l’article GE4 définissant la fréquence des visites périodiques des ERP des 1ère, 2ème, 3ème et 4ème catégories selon le type d’établissement par les commissions de sécurité prévoit des fréquences de 3 ou 5 ans : la fréquence de 2 ans a été supprimée. Ce texte a également uniformisé à 5 ans (quelle que soit la périodicité initiale prévue dans le tableau) le délai de prolongation de la prochaine visite de la commission de sécurité « lorsqu’un établissement ne comportant pas de locaux d’hébergement fait l’objet d’une visite périodique conclue par un avis favorable à la poursuite de son exploitation et que la visite précédente, effectuée dans les délais réglementaires, avait conduit à la même conclusion ».

Le rapport ERP IGH a donc initié de nombreux changements et, parions que d’autres réformes à venir s’en inspireront fortement.